Le monde des objets m 'a toujours paru familier.
Ma mémoire enfantine est peuplée d'objets merveilleux, parfois rares et précieux, souvent compagnons du quotidien.
Ceux sur lesquels j'avais jeté mon dévolu avaient une histoire personnelle qui, à mes yeux, les dotait d'une incroyable densité, ils avaient, comme l'a si parfaitement exprimé Lamartine, ‘’une âme, et surtout, la force d’aimer…’’
Rien d'étonnant aujourd'hui, au plaisir que j'éprouve à vous faire partager ma passion pour ces objets qui ``s'attachent à notre âme``, et dont Max Cartier est le metteur en scène.
Eternel jeune homme que la Fin inquiète, il illustre bien la transition entre la Société de consommation que nous venons de quitter et celle de la communication où nous entrons.
D' objets usuels, il fait des oeuvres d'Art en arrêtant le temps .
Magistral, il intervient définitivement sur leur destin en les sauvant, soit de la destruction, soit des boîtes où on les range et qui sont de véritables cercueils.
Alors, leur matière que l'oeil reconnaît, appelle la caresse et, sortis du quotidien dans l'Anonymat, ils y reviennent dans la lumière, avec un pouvoir d'émotion transcendé - Alexandre Léadouze, Mai 1991
Mythe et mythologie, fiction et mémoire, c'est un authentique projeteur de films datant des années 30 que le sculpteur Max Cartier a choisi d'enlacer de bandes d'acier symbolisant un enroulement de pellicules. Cette sculpture monumentale à la gloire du cinéma fut installée comme il se doit à Cannes, durant le dernier Festival International, aux ; abords du Palais, près des marches aux étoiles. Elle fut inaugurée par M. Michel Mouillot, Maire de la ville, en présence de Mme Léadouze, adjointe déléguée à la culture et à la communication ainsi que diverses personnalités célèbres du monde de l'audiovisuel.
Une sculpture à la gloire du 7e art le sujet était tentant, mais surtout se prêtait à souhait à la démarche de Max Cartier, qui depuis de nombreuses années travaille avec assiduité sur le thème de l'objet réduit, ligoté. Avec une première série en 1984 d'impressionnantes chaises brisées, intitulées ``L'école des chaises``, distortionnées, crevées, amputées, réassemblées en tension par des câbles fins et coupants, puis peintes comme dans l'excès, Max Cartier aborde ce par- cours de l'objet emprisonné dans la force des liens. On a voulu, dans la précipitation, voir en Max Cartier un nouvel adepte au mouvement déjà confirmé depuis vingt ans des Nouveaux Réalistes, et bien que l'héritage soit logique, Pierre Restany fondateur du mouvement ne s'y trompe pas, qui dès la première exposition voit en l'artiste ``un Eugène Ionesco devenu peintre et sculpteur. Il nous fait revivre l'aventure des chaises dans le théâtre de son atelier au terme d'une performance qui s'apparente tout autant à la colère
d'Arman qu'au Dripping Pollockien``.
Cependant le critique laisse subsister une interrogation en concluant `` J'attends déjà Cartier au tournant après la chaise: comment saura-t-il s'en débarrasser ?``.
Mais le sculpteur a, semble-t-il, à peine entendu la mise en garde et avec la fougue créatrice qui le caractérise, l'imagination pure et débordante qui l'habite, il a déjà entreprit les ``enlacets``. En 1986, nous sont révélés ces invraisemblables sièges à forme humaine, animale ou totémique, dont le volume est créé par leur auteur au moyen de fines lanières, taillées dans des tissus de Chacok et enroulées comme les bandelettes des momies, ligaturées, tenues serrées par les lacets. Colorés, chantants, insolents, gais, les ``enlacets`` sont presque à l'opposé de la dramaturgie de ``L'Ecole des Chaises`` tout en respectant avec rigueur la même méthode, la même démarche et la même ligne. Max Cartier prouvait qu'il pouvait se renouveler sans se trahir.
Si les ``Poêles des chefs`` semblent avoir été pour un temps de délassement de l'artiste, elles introduisent dans le parcours du sculpteur une nouvelle attitude où l'évolution se poursuit dans la continuité.
Actuellement Max Cartier revient aux objets sans plus de complexe. Machine à moudre le café, vieille chaussure élimée, théière précieuse en métal argenté, jouet d'enfant, outils et instruments de musique, qu'il les choisissent dérisoires ou somptueux, chargés d'émotion ou rugueux, fonctionnels ou uniques, débarrassés des apports ou colorés, Mo Cartier les ligote irrémédiablement dans les torsions redoutables de l'acier... L'objet n'est pas détourné, il est contraint, mis en équation avec sa propre fonction.
Ici l'objet n'est pas détourné, mais mis en équation avec sa propre fonction. Certes, l'artiste le choisit parmi ceux les plus familiers, ceux du quotidien. Cependant il ne les préempte pas pour les adapter ou les insérer à une composition esthétique les dépassant. Bien au contraire, les lanières d'acier contraignent l'objet mais le concentrent sur lui même, le dynamisent, renforcent son identité. Il en ressort une notion de force presque excessive. Ainsi Max CARTIER sort ustensile, machine, jouet de leur anonymat. La chose la plus banale devient nœud d'énergie. Son potentiel fonctionnel est tout entier introversé, tandis que la charge émotionnelle explose malgré les liens, car c'est cette charge émotionnelle qui semble intéresser Max CARTIER, qui l'invite en la bridant à la mettre en exergue. A aucun moment cependant, l'artiste ne joue sur la facilité des contrastes tels acier contre porcelaine ou contre verre. Tout au plus il utilise l'acier contre de l'aluminium ou le cuir. Il n'est plus question non plus pour lui de peindre ou de dénaturer ce qui existe, mais simple par les torsions de ses liens de réactiver la mémoire des choses. Le Projecteur muselé impuissant soudain, nous ramène à son histoire. Une simple chaussure, une théïère d'argent, ou même un redoutable étau, pris dans le filet d'acier évoque alors des images plus anciennes, provoque un frisson, parfois un recul.
Max CARTIER avec cette nouvelle série des En lacets apporte la preuve qu'il poursuit sa démarche dans la logique d'une recherche qui s'épure vers une grande authenticité créatrice - Marie Lou Lamarque - Mouzon
Signe révélateur de la richesse créative et de la sensibilité d'un artiste qui a bien évolué depuis cinq ans, le sculpteur Max Cartier vient de réaliser ce « souvenir vivant » de la dernière guerre qu'est le crash du liberator B 24 de la Croix des Gardes à Cannes. Plus qu'un simple fait d'armes, presque une légende.
Car si chaque année pour le « Forth of July », ce 4 Juillet qui équivaut aux Etats-Unis à la commémoration de notre prise de la Bastille, toute la communauté U.S. vient commémorer cet épisode dramatique de la dernière guerre, bien des découvertes ont été faites qui ont permis de reconstituer l'odyssée de ce bombardier devenu symbole de la libération et du sacrifice des aviateurs américains.
La dernière en date (1986) fut celle d'un parachute, linceul blanc coincé depuis le 25 mai 1944 dans les profondeurs rocheuses au large de l'Estérel, encore relié à une combinaison de soldat et qui portait un nom. Il permit de déterminer avec certitude qu'il s'agissait bien d'un des dix membres de l'équipage du Liberator, dont trois seulement eurent la vie sauve.
Un sculpteur piège le temps Ne demandez pas à Max Cartier comment il a pu se procurer quatre moteurs Pratt & Wittney de Liberator B 24, conservés intacts dans des containers remplis d'huile sous pression et ne nécessitant que quelques heures pour redevenir opérationnels, ni où il est allé chercher cette énorme hélice qui donne son sens au formidable « enlacement» devant être inauguré ce 4 juillet à la Croix des Gardes, à deux pas de la fameuse Stèle du Libérator ; tout cela fait encore partie de secrets dont on ne sait plus s'ils appartiennent à la Défense ou à l'alchimie du processus de création artistique.
Le « sorcier» de Levens, celui dont les géants aux pieds de granit (également enlacés) ont investi récemment le hall du Noga Hilton où ils demeurent jusqu'à la fin de l'été, avait choisi, il y a cinq ans, dans un registre résolument étranger à son évolution actuelle, de piéger le temps, de faire revivre l'histoire, en réalisant ce fantastique télescopage de car- casses mécaniques.
Dans cette sculpture déchirante, surmontée de son écrasant et pathétique système de traction hélicoïdal: toute la puissance, la volonté guerrière et vengeresse, mais aussi le drame, l'impuissance et le désastre sont présents, en un mot, le « crash », c'est à dire le sacrifice.
Le lundi 4 juillet, ils accueilleront, en contrepoint de la fanfare américaine et des oriflammes patriotiques alliés, tous les membres des familles des victimes et des rescapés du « Liberator ». Une plaque sera apposée sur l'imposant socle formé de blocs de granit soutenant la masse d'acier enchaînée dans le fer et le laiton, où l'on peut encore discerner quelques traces d'huile, semblables à des gouttes de sang - Joël BERNARD (photo Traverso), NICE MATIN Samedi 25 juin 1994